Diverses maladies liées à des agents pathogènes (virus, bactéries, parasites, champignons microscopiques, mycotoxines, algues, prions, etc.) peuvent affecter les plantes et les animaux et se transmettre à l’homme. L’apparition de nouvelles maladies infectieuses (comme la dengue, le Sida ou la grippe aviaire) ou la réapparition de maladies considérées comme maitrisées (comme la tuberculose, la coqueluche ou la diphtérie) sont devenues depuis peu une source sérieuse de préoccupations pour les populations comme pour les responsables de la santé publique dans le monde et pour les gouvernements.
Des recherches menées par des scientifiques à l’institut Pasteur de Bangui conduisent à penser que les nouvelles menaces des maladies émergentes pourraient provenir de virus déjà présents – notamment dans les régions tropicales – qui, à la suite de facteurs favorables, émergeront de leur foyer naturel et se diffuseront ensuite dans d’autres régions du monde, y compris l’Europe et la France à la faveur des déplacements humains (tourisme, voyages d’affaire, migration des victimes des famines, des violences politiques ou du changement climatique). Ces chercheurs concluent que l’organisation de la lutte contre les maladies virales émergentes doit passer notamment par une surveillance accrue de la circulation des virus en zone tropicale, surveillance qui de nos jours est quasi inexistante.
Par ailleurs de nouveaux risques sont apparus avec l’urbanisation accélérée de la planète et la mondialisation de l’humanité. La concentration de populations souvent déshéritées ne disposant pas de l’eau potable ni de réseaux d’assainissement, l’essor du transport aérien sur la planète toute entière, les nouvelles conditions productivistes hors sol d’élevages animaux, l’apparition de nouveaux vecteurs de transmission des maladies du fait du changement climatique : autant de facteurs qui créent potentiellement les conditions idéales pour l’irruption brutale de bombes sanitaires ignorant les frontières.
Si l’émergence ou la résurgence de maladies ne sont pas des phénomènes nouveaux, en revanche l’amplitude géographique, la vitesse de diffusion et la gravité des maladies posent aujourd’hui des questions et des enjeux nouveaux. C’est pourquoi une réflexion prospective sur la réapparition de catastrophes sanitaires semble nécessaire, ne serait-ce qu’à titre de précaution malgré les progrès considérables de la médecine depuis Pasteur. L’étude que j’ai engagée a donc pour objectif d’appréhender les facteurs d’émergence des virus afin d’anticiper les mesures qu’il faudrait prendre pour éviter le scénario du pire, à savoir des centaines de millions de morts de part le monde dans les grandes mégalopoles.
Les différents scénarios de développement de ces futures pandémies seront analysés en fonction d’un certain nombre de variables médicales, sociales, démographiques, géographiques, climatiques ou économiques. A ce titre, plusieurs variables apparaissent d’ores et déjà comme déterminantes dans la constitution de ces nouvelles menaces :
- la gravité des maladies émergentes ;
- les capacités de connaissance scientifique des maladies émergentes et épidémies;
- la gouvernance en matière de santé humaine et de santé des plantes et des animaux ;
- l’articulation des fonctions de recherche, d’expertise, d’évaluation et de gestion des risques en France et dans le monde.
L’étude s’attachera ensuite à :
- examiner l’évolution passée de ces variables ainsi que les causes de cette évolution ;
- envisager leurs évolutions possibles à un horizon de 20 ans (2032) ;
- élaborer des scénarios ou de tester des scénarios déjà existants ;
- déterminer quelques leviers d’action susceptibles d’inverser les tendances défavorables.
De nombreux acteurs ont déjà auditionnés, tels que les responsables des principaux organismes institutionnels impliqués sur le sujet ([1]), des chercheurs, médecins, biologistes, sociologues, géographes, économistes et prospectivistes. Un atelier public de prospective a eu lieu le 24 mai 2012 salle Médicis au Palais du Luxembourg qui a permis de confronter les points de vue des personnalités auditionnées. Par ailleurs, des déplacements au Gabon et en Inde ont permis d’analyser la source et les conditions de développement des maladies : c’est en partageant nos bonnes pratiques que nous parviendront à prévenir l’apparition des épidémies et empêcher leur propagation en France.
Ce rapport sur les maladies infectieuses émergentes sera présenté en juillet 2012 devant la délégation sénatoriale à la Prospective.
[1] l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD), l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), la Fondation Mérieux, l’Agence Française de Développement (AFD), le Centre International de Recherches Médicales de Franceville (CIRMF) au Gabon qui est soutenu par la Fondation Total