M. Laurent Visier, professeur de sociologie à la faculté de médecine de l’université de Montpellier I, et Mme Geneviève Zoïa, maître de conférence en ethnologie, responsable du master vie scolaire et médiation sociale à l’université de Montpellier II sont les co-auteurs d’un ouvrage intitulé : « La carte scolaire et le territoire urbain ».
En 2006/2007, ils ont réalisé une étude de terrain sur l’agglomération de Montpellier dont les conclusions ont intéressé les membres de la mission le 22 février dernier.
L’école française repose sur l’idée d’une offre éducative uniforme sur l’ensemble du territoire avec des établissements et des enseignants de qualité égale, mais elle omet, selon eux, un élément fondamental : l’importance de la composition de la population scolarisée et de la proportion respective de chaque classe sociale au sein de l’établissement.
La carte scolaire, dépendante par essence du territoire qu’elle recouvre, produit par endroit, des établissements socialement et ethniquement ségrégués. Or, il est préjudiciable pour les enfants, notamment les plus défavorisés, d’être scolarisés uniquement avec des « pairs sociaux ». Cette homogénéité pèse non seulement sur l’estime qu’ils ont d’eux-mêmes, sur leur capacité à se projeter dans l’avenir, mais également sur les attentes des enseignants et leur action pédagogique.
La dérogation : un choix rationnel, des inégalités fortes.
Eu égard à ces réalités, il n’est pas irrationnel, et même logique, d’après Laurent Visier et Geneviève Zoïa, pour les parents de retenir le critère de la composition sociale d’un établissement pour inscrire leurs enfants dans un établissement ou un autre, et d’user du système des dérogations. Seulement, les parents ne sont pas du tout égaux devant le choix de l’établissement.
D’un côté, les initiés maîtrisent les stratégies d’évitement dont le succès dépend, notamment, de la capacité à savoir rédiger correctement la demande auprès de l’administration, et de l’autre, les exclus, les plus défavorisés socialement, qui voient leur assignation spatiale renforcée, et dont la situation ne pourrait que se dégrader dans le cadre d’une déréglementation totale.
La sectorisation sert à l’origine d’instrument de rationalisation dans le cadre d’une offre éducative homogène, et ne constitue pas une politique de mixité sociale. Ce n’était tout simplement pas son objectif lorsqu’elle a été mise en œuvre. Il l’est devenu a posteriori. Associer l’un à l’autre revient au final à sous-estimer la difficulté de la question.
Sortir de la dichotomie riches / pauvres
En 2006-2007, suite à leur étude de terrain, il est apparu que les établissements les moins mixtes socialement étaient les banlieues favorisées et les quartiers pauvres où la sectorisation est respectée avec très peu d’évitement et de recours au privé.
A l’inverse, dans le lycée de centre-ville, quartier intermédiaire, qui dépend de lacarte scolaire dont relève également certains quartiers difficiles, se concentrent par dérogation des populations plus aisées que la moyenne du quartier. 75 % des élèves de classe moyenne et classe moyenne supérieure évitent le collège de secteur par dérogation ou recours au privée.
En conclusion, Laurent Visier et Geneviève Zoïa estiment qu’une politique de mixité sociale est nécessaire, mais qu’en aucun cas, elle ne doit se faire contre la volonté des parents. A l’inverse, les inquiétudes, de part et d’autre, doivent être nécessairement prise en compte dans cette réflexion qui doit donner lieu à une véritable politique en la matière et dont la carte scolaire serait une composante, mais pas le tout.
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