La journée du 25 mai fut vraiment une belle journée consacrée à la recherche en milieu polaire.
Elle a été organisée conjointement par MM. Alberto Devoto et Philippe Jamet attachés scientifiques des ambassades d’Italie et de France que je remercie très chaleureusement, avec le soutien de l’Office des programmes polaires de la NSF, le PNRA, l’IPEV et le CNRS.
Cette journée a été particulièrement réussie permettant d’avoir un panorama aussi complet que possible de la grande diversité des disciplines scientifiques qui trouvent aux pôles des lieux particulièrement favorables à leur développement.
Il faut d’ailleurs souligner, comme l’a fait le Dr Donal Manahan de l’université de Californie du Sud, qu’aux pôles et tout particulièrement en Antarctique, le temps de l’exploration s’est achevé et que s’ouvre toujours plus large le champ de la recherche, recherche soutenue par des opérateurs professionnels maîtrisant la logistique indispensable. Il m’est impossible de retracer l’ensemble des interventions. Je voudrais juste citer quelques points que je retiens.
Jean Jouzel a esquissé le futur des forages glaciaires. Que faire après la réussite du forage du Dôme C retraçant 800.000 ans de climat ? Selon lui, il faut :
- Obtenir des précisions sur les périodes les plus récentes : les derniers 2.000 ans d’une part et les 40.000 dernières années d’autre part pour affiner les données depuis les derniers maxima glaciaires.
- Tenter d’obtenir une série plus longue encore que celle du Dôme C jusqu’à 1,5 millions d’années.
De nouveaux forages sont donc nécessaires au Groenland et en Antarctique, par exemple à travers un projet international sur le Dôme A point de l’Antarctique où la couche de glace serait la plus profonde.
Il s’agit en fait d’aller plus loins dans le passé, mais aussi de mieux comprendre les transitions entre une période froide et une période chaude et les liaisons entre le pôle Nord et le pôle Sud.
En Arctique, les études récentes menées notamment à Columbia permettent aujourd’hui de connaître avec précision l’évolution de la banquise, son âge et son déplacement.
Les chercheurs ont pu démontrer que la glace se déplaçait du Nord de la Sibérie vers le Canada tout en tournant dans le sens inverse des aiguilles d’une montre pour finalement se déverser dans l’océan atlantique à l’Est du Groenland pour l’essentiel. Ils ont aussi pu montrer que la banquise était de moins en moins ancienne et donc de plus en plus fragile et sensible aux évolutions du climat.
C’est un élément complémentaire pour comprendre le recul très significatif de la calotte depuis la fin des années 1970. C’est aussi un outil très précieux pour commencer à anticiper les conséquences de sa rétraction. Celles-ci pourraient être au moins de deux sortes.
En devenant insulaire, la banquise ne sera plus reliée qu’exceptionnellement à l’Amérique et à l’Asie, ce qui aura d’énormes conséquences sur l’ensemble de la faune.
Deuxièmement, si la banquise ne se décharge plus au niveau de la plateforme continentale groenlandaise, cela signifie que de très nombreux nutriments transportés depuis la côte sibérienne, soit ne seront plus du tout transportés, soit tomberont dans la partie centrale de l’océan arctique qui est très profonde. Les conséquences seront sans doute également très importantes, sur les végétaux et sur tous les animaux brouteurs qui en dépendent.
Dans un tout autre domaine, l’Astronomie et l’étude du système solaire, l’Antarctique se révèle absolument exceptionnel.
C’est notamment le cas des recherches sur l’univers primordial réalisées à travers la mesure du rayonnement micro-onde de fond (Cosmos microwave background – CMB). Une série d’expérience a eu lieu à partir de la station Pôle Sud avec un ballon (Boomerang en 2000) puis des instruments fixes de plus en plus perfectionnés (DASI, 2001, Bicep, Quad). Les résultats sont très impressionnants car ils confirment et précisent les résultats obtenus par le satellite de la NASA WMAP. Ces informations permettent aussi de progresser dans la connaissance de la forme de l’univers et de la nature de son expansion.
La pureté de la glace antarctique et son caractère inviolée pemet aussi deux autres types de recherche : le recueil de poussières stellaires et la “visualisation” des neutrinos.
Le recueil des poussières venues du système solaire est une discipline dans laquelle s’est spécialisée Jean Duprat de l’université Paris XI. Pour lui l’Antarctique est le seul endroit au monde où il possible de recueillir soit d’importantes quantités de matière grâce à la concentration naturelle provoquée par la marche des glaciers, soit de disposer d’échantillonnages très purs sur la période récente en les collectant à la surface. Il a ainsi pu mettre en évidence plusieurs poussières “intactes” venant de l’espace.
L’Antarctique est aussi le théâtre d’une expérience très impressionnante menée au Pôle Sud sous la direction du Pr Francis Halzen de l’université du Wisconsin. Elle consiste à enterrer dans 1 km3 de glace des détecteurs à neutrinos en profitant de la limpidité de la glace et de la longue obscurité hivernale. Par la dimension du détecteur et la qualité du lieu des résultats nouveaux et inconnus sont espérés.
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