Il y a maintenant près de 110 ans, s’achevait l’incroyable aventure humaine et scientifique de Fridtjof Nansen à bord de son navire polaire le Fram.
Nansen est un homme qui ne peut laisser indifférent. Au scientifique et à l’explorateur s’est ajouté un diplomate, un homme politique et un humaniste exceptionnel. Chercheur en zoologie marine arctique, il est irrésistiblement attiré vers l’exploration de nouveaux terrains scientifiques. Il réalise la première traversée est-ouest du Groenland à ski (1888-1889), il sera le premier à explorer pendant près de trois ans l’océan Arctique avec le Fram. Il participe activement à l’accession à l’indépendance de la Norvège (1905). Il est enfin un diplomate de grand renom puisqu’il est à l’origine du passeport pour les réfugiés et apatrides, le fameux “Passeport Nansen” qu’il crée alors qu’il est Haut-commissaire de la Société des Nations pour les prisonniers de guerre après le premier conflit mondial. Il recevra pour son action le Prix Nobel de la Paix le 10 décembre 1922. L’explorateur français, Jean-Louis Etienne
écrit de lui : “C’est, à mes yeux, le plus grand homme que l’exploration polaire ait jaimais inspiré (…) Audacieux, humain, universel, Nansen devint le héros qui allait inspirer l’essentiel de mes navigations polaires“.
Mais ce qui m’intéresse ici, c’est son exploration du bassin arctique entre 1893 et 1896 à bord du Fram. A l’époque on sait très peu de choses de l’océan arctique. Nombreux sont ceux qui soutiennent la théorie d’une mer libre au pôle Nord… Personne ne croit à la possibilité d’hiverner et de survivre plusieurs années à bord d’un navire résistant à la pression de la banquise. Peu nombreux sont ceux qui croient possible de dériver au sein de cette banquise vers le pôle Nord puis vers le Sptizberg. Et pourtant, ces défis Fridtjof Nansen va tous les relever. Les bois flottés découverts au large du Groenland et venant de Sibérie, comme la découverte des restes d’une expédition américaine naufragée, convainquent Nansen de la réalité d’un courant interne au bassin arctique. Pour l’utiliser, tenter d’atteindre le pôle Nord et explorer cette zone, il conçoit et fait construire un navire spécifique le Fram capable de résister aux glaces.
L’aventure devait durer 3 ans (1893-1896). Nansen lui-même devait prendre des risques inouïs avec un compagnon en tentant d’atteindre le pôle à pied. Ils furent longtemps à la limite extrême entre la vie et la mort. On est réellement stupéfait de l’audace de ces hommes face à l’inconnu et au risque physique.
Au-delà de l’exploit, il est particulièrement intéressant de lire le bilan scientifique que Nansen fait lui-même de son expédition car il nous fait mesurer l’importance de ses découvertes et du chemin parcouru depuis. Dans la conclusion de son récit, il retient quatre apports principaux :
- l’océan Arctique est très profond et non “un bassin recouvert d’une mince tranche d’eau et parsemés de terres et d’archipels“;
- le pôle Nord n’est pas libre de glace ;
- la banquise dérive et constitue une masse animée et irrégulière ” à la place de la calotte de glace massive et immobile que les géographes plaçaient autour du pôle, nous avons trouvé des masses de glace en perpétuel mouvement” ;
- le bassin polaire n’est pas uniformément remplie d’une eau froide à – 1,5 °C mais en dessous de la couche superficielle froide se trouve différentes couches à la température et à la salinité variables. Nansen montrait ainsi qu’elles provenaient du Gulf Stream et découvrait un mécanisme fondamental de la circulation océanique mondiale.
Aujourd’hui, 110 ans après Nansen et à la suite de Jean-Louis Etienne qui fit construire en 1989 le voilier “Antarctica” sur l’exemple du Fram, c’est l’industriel Etienne Bourgeois (Agnès b.) qui a repris le flambeau. A bord du voilier rebaptisé “Tara“, il vient de se faire prendre par les glaces et entame une dérive de deux ans vers le pôle Nord et le Spitzberg. L’objectif est de servir de base mobile à des scientifiques durant l’année polaire internationale, notamment au programme Damocles.
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