Poursuivant mes auditions pour la préparation de mon rapport, j’ai reçu au Sénat mardi dernier :
- MM Bernard Delay, directeur du département environnement et développement durable du CNRS et Yvon Le Maho, directeur-ajoint de l’institut pluridisciplinaire Hubert Curien à Strasbourg,
- puis Jean-Louis Bourgeret directeur du Laboratoire d’études spatiales et d’instrumentation astrophysique (LESIA) de l’Observatoire de Paris, ainsi que Ludwig Klein, responsable du pôle solaire, Daniel Rouhan, responsable du pôle astronomie et Vincent Coudé du Foresto.
Deux thèmes a priori sans grand rapport, pourtant ils ont deux points communs au moins : ils trouvent en Antarctique un terrain d’excellence et sont certainement deux domaines d’avenir.
Les études écologiques menées en Antarctique paraissent exceptionnelles car elles bénéficient de manière tout à fait inhabituelle d’une action d’observatoire scientifique sur plus de 50 ans de la faune et de la flore des îles sub-antarctiques et de la Terre Adélie. Sur cette base de données, il est désormais possible de développer des recherches transversales et pluridisciplinaires, notamment sur les capacités d’adaptation au changement climatique.Ce développement va trouver un appui naturel auprès du nouveau département environnement et développement durable du CNRS.
Sur les potentialités de ces recherches, Yvon Le Maho m’a donné l’exemple de la découverte d’un peptide propre au manchot royal qui lui permet de nourrir son petit malgré une absence prolongée de la mer, notamment lorsque le phénomène El Niño provoque le recul du front polaire vers le Sud. Or, cette peptide, très puissante est extrêmement intéressante aussi bien pour l’industrie agro-alimentaire que pour des applications médicales. Ces résultats qui constituent un grand succès n’ont pourtant trouvé aucun soutien en amont de la part de l’industrie. Ils ont également fait l’objet d’un dépôt de brevet.
Je trouve cet exemple très instructif : faiblesse de l’appui privé à la recherche, nécessité absolue du développement d’une politique de brevet, comme le fait l’Alfred Wegener Institut en Allemagne.
Celui-ci a d’ailleurs développé une pépinière d’entreprises et une sorte de pôle de compétitivité polaire à Bremerhaven.
Ne faut-il pas nous aussi développer les retombées économiques de la recherche en milieu polaire et avoir cette logique de “pôle de compétitivité” autour de l’IPEV et à partir d’activités qui sont, pour l’essentiel, de la recherche fondamentale ?
En matière d’organisation de la recherche, Bernard Delay m’a confirmé son souci d’améliorer la coordination : relance de la zone atelier, participation plus active à l’action de l’IPEV apparaissent comme deux axes forts.
L’Astronomie apparaît elle aussi comme une thématique scientifique majeure en Antarctique et susceptible de très importants développements dans l’avenir.
Le Lesia est responsable de l’activité d’observatoire de la mesure du rayonnement cosmique depuis 1964 aux îles Kerguelen et en Terre Adélie à Dumont d’Urville. Ces deux stations participent à un réseau mondial d’observation. Ces recherches sont essentielles pour comprendre l’environnement terrestre et notamment l’activité du soleil.
Dans le futur doivent pouvoir se développer à partir de Concordia plusieurs types d’observations. Le Lesia travaille sur deux projets : Siamois et Alladin.
Le programme Siamois a pour objet la sismologie stellaire en complément du satellite Corot. Il doit permettre de connaître l’intérieur des étoiles par l’analyse des fréquences et des amplitudes des oscillations stellaires. Sur le Dôme C, il bénéficiera d’une capacité d’observation continue sur 3 mois pendant 90 % du temps. Il devrait être mis en service en 2010.
Le second programme, Alladin, a pour objectif de démontrer la faisabilité scientifique et technique du programme Darwin de l’ESA de télédétection de la vie extraterrestre (3 à 5 satellites en vol en formation). Le dôme C est sans doute le meilleur site pour accueillir le projet. Celui-ci, estimé à 20 M’, n’est pas encore financé.
Plus généralement le potentiel exceptionnel de Concordia dans le domaine astronomique doit maintenant faire l’objet d’un double dialogue :
- au sein de la communauté astronomique qui doit après l’inventaire des projets souhaitables fournir un catalogue de priorités scientifiques cohérent avec les financements possibles,
- entre la communauté astronomique et les agences polaires présentes sur Concordia pour travailler sur la logistique aérienne, terrestre et maritime, sur la fourniture énergétique et enfin sur les débits de communication.
J’en espère la confirmation que Concordia puisse devenir un site de référence qui sera un atout formidable pour la science et pour notre communauté de recherche.
Commentaires
Bonjour M. Gaudin,
si votre action est tout à votre honneur, en revanche on ne peut pas en dire autant de l’ANR ou de notre Ministre de la Recherche. Si nous, les climatologues, glaciologues etc sommes assaillis de demande en “communication” pour l’année polaire internationale, avec concours de photo, reportage etc, du coté des appels d’offre c’est le silence radio. Aucun budget de l’Agence Nationale de la Recherche n’est orienté vers l’API. A 4 mois de son démarrage officiel, on peut déjà en conclure que c’est trop tard compte tenu des contraintes logistiques ! Encore une fois va-t-on faire de la Comm Institutionelle pour vendre l’idée que la France est grande nation de recherche en milieu polaire ou cela doit-il servir de cache misère ? Flouer et manipuler nos concitoyens semble décidément être l’activité principale de nos gouvernants.
Christian Gaudin répond le Samedi 9 décembre 2006 à 9:39 :
Je comprends votre amertume, on peut regretter l’absence d’ouverture d’une ligne spécifique. Cependant des moyens renforcés sont prévus sur des programmes retenus dans le cadre d’un appel à projets.
Christian Gaudin