J’ai auditionné le 1er juin, M. Paul Treguer, directeur de l’Institut universitaire européen de la mer (IUEM).
Cet Institut a été créé en 1997 au sein de l’Université de Bretagne occidentale (UBO). Il est également rattaché au CNRS et à l’IFREMER pour certaines de ses activités. Il a à la fois une mission de recherche et de formation.
Il est fort de plus de 200 permanents, une soixantaine de chercheurs contractuels et de 300 étudiants.
C’est un institut pluridisciplinaire, composé de sept unités de recherche : Physique océanique (UMR CNRS 6538), sciences de l’environnement marin (UMR CNRS 6539), Géomer Brest (UMR CNRS 6554), Microbiologie des environnements extrêmes (UMR 6197), Chimie marine (UMR CNRS 7127), Droit et économie de la mer (EA 221) et enfin Ecophysiologie et biotechnologie des halophytes et algues marines.
Ce sont les deux premiers, qui, pour l’essentiel, mènent des recherches en ou sur l’Antarctique.Je retiens de l’audition de Paul Treguer quatre thèmes importants de recherche : la circulation océanique, la fertilisation de l’océan, l’acidification de l’océan et les proxies climatiques.
- L’océan austral, comme d’ailleurs l’océan arctique, joue un rôle majeur dans la circulation des courants océaniques et donc des transferts de chaleur entre les différentes latitudes. C’est sous l’effet des vents froids et des calottes de glace que les eaux de ces océans se refoidissent et plongent vers les fonds marins provoquant ainsi de puissantes circulations Nord-Sud. Or, ces courants ont un impact déterminant sur le climat des différents continents, leur ralentissement ou modification pourrait avoir des conséquences importantes.
Le Laboratoire de physique océanique (LPO) mène ainsi des travaux sur la circulation au Sud de l’Afrique entre l’Atlantique, l’océan indien et le courant circum polaire. Il prend part aux programmes ICED au sein de IMBER. IMBER est un programme international, piloté par l’IUEM et qui englobe des programmes thématiques et régionaux, dont un sur l’océan austral (ICED).
- L’océan austral est sans doute l’océan le plus riche en matières nutritives suceptibles d’alimenter une très forte croissance du phytoplancton et donc d’absorber le CO2 de l’atmosphère. Mais la croissance du phytoplancton y est sous optimale. Pourquoi ? Ce n’est pas en raison du manque de lumière mais vraisemblablement d’un manque de sels nutritifs et tout spécialement de fer. En effet, les vents catabatiques n’apportent pas de fer puisqu’ils soufflent sur de la glace. Est-il possible comme certains l’ont proposé théoriquement puis essayé par des essais dans l’océan de le fertiliser ? Mais avec quelles conséquences ?
Les chercheurs de Brest achèvent actuellement un programme de recherche baptisé KEOPS au large des Kerguelen où une fertilisation naturelle en fer se produit en raison du voisinnage de l’archipel. Ils espèrent donc pouvoir mieux comprendre l’impact de cette fertilisation dans les différentes couches d’eau.
Il faut savoir que cette richesse en matière nutritive et cette productivité de l’océan a un impact direct sur la vie de la faune puisque les oiseaux et les mamifères vont se nourrir dans ces zones. C’est d’ailleurs grâce à des thermomètres fixés sur des manchots qu’il a été possible d’avoir une carte tridimentionnelle de la température de l’eau et des zones de prise.
- L’océan austral est également un zone majeure pour comprendre l’impact sur l’océan de la dissolution du CO2. En effet, plus il y a de CO2 dilué dans l’océan plus son PH baisse rendant plus difficile ou impossible la vie de certains organismes. C’est, il me semble, une problématique assez nouvelle qui doit être approfondie dans les prochaines années dans le cadre du réseau Eurocéans.
- Enfin, des recherches sont aussi menées pour améliorer nos connaissances sur les climats passés à travers l’analyse des coquillages. En effet, comme à travers les cernes des arbres, il est possible de connaître le climat grâce à la composition (oxygène 18) et à l’espacement des stries des coquilles de certains bivalves. Dans le cadre du projet MACARBI, des chercheurs de Brest ont entrepris de transposer les connaissances acquises sur la coquille St-Jacques en Bretagne pour analyser le pétoncle austral.
Cette opération est évidemment beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît puisque non seulement il faut dater les couches dans lesquelles sont trouvées les coquilles, mais surtout il faut étalonner les mesures grâce à une connaissance approfondie de la biologie des bivalves celle-ci déterminant le rythme et les conditions de leur croissance, et ce, dans des périodes météorologiquement parfaitement référencées.
En plus de la performance scientifique, je trouve particulièrement remarquable que les chercheurs en aient profité pour développer une action pédagogique auprès de trois classes de la région de Brest et ainsi diffuser le goût de la recherche et de l’aventure dans ces terres extrêmes.
Commentaires
Pas de commentaires