Lhommeetlecimat.serendipityThumb Lecture en AvionMe rendant aux êtats-Unis pour le séminaire sur la science aux pôles, j’aurai également cette semaine une série d’entretiens avec des chercheurs, des responsables administratifs et des hommes politiques américains.

Je profite du trajet en avion pour prendre connaissance du livre de vulgarisation d’êdouard Bard, professeur au Collège de France (chaire d’évolution du climat et de l’Océan) et au Centre européen de recherche et d’environnement en géosciences de l’environnement (CEREGE) de l’Université d’Aix-Marseille. Son livre intitulé L’homme et le climat, une liaison dangereuse, est publié dans la collection Découvertes Gallimard .

Ma première réaction est de me réjouir qu’un scientifique de ce niveau prenne le temps nécessaire pour écrire dans une collection grand public. C’est tellement important de participer à la diffusion des connaissances scientifiques surtout quand des décisions politiques sont prises en se fondant sur les recherches. Si le public ne les comprend pas et n’est pas sensibilisé aux évolutions de la recherche qui impliquent des décisions parfois difficiles comme de limiter les émissions de gaz à effet de serre, c’est encore plus difficile de les prendre pour les hommes politiques !
êdouard Bard fait d’abord l’histoire de la science du climat, il explique comment les hommes ont petit à petit pu comprendre et analyser les évolutions climatiques. Ce n’est finalement que depuis peu de temps qu’il est possible de comprendre ces évolutions. On est surpris des théories de la fin du 18e siècle, dont celle du déluge, qui devait expliquer la présence de moraines et ou du fossile d’Oeningen supposé être un être humain antérieur au déluge !

Après ce premier chapitre, il s’intéresse aux rouages du climat et à la reconstitution des climats du passé. Je ne peux qu’encourager, les moins férus en science climatique à prendre connaissance de ce chapitre où en quelques pages on est introduit aux différents mécanismes : action du soleil, influence cyclique de l’orbite terrestre, volcanisme’

J’ai été très interpellé par ce que l’on sait des climats du passé. En effet, on prévoit d’ici à 2100 un réchauffement compris entre 2 et 6 °C. Or pour comprendre ce à quoi cela correspondrait, le plus simple est de se référer au passé. Deux périodes apparaissent : l’ère secondaire et plus particulièrement le Crétacé (-145 à ‘ 65 millions d’années). C’est la période des dinosaures. Le niveau de la mer était sans doute 200 mètres plus élevé qu’aujourd’hui et la température supérieure de 5 à 10 °C. A contrario, lors de la dernière glaciation achevée il y a 6.000 ans, la température était inférieure d’environ 5°C, or à cette époque le climat de l’Europe était polaire. De gigantesques calottes de glace recouvraient le Nord de l’Europe et de l’Amérique du Nord. Le niveau de la mer était 130 mètres inférieurs à celui d’aujourd’hui. Sans doute ne faut-il pas tirer trop de leçons du passé, mais cela donne une idée des changements potentiels. Ils sont loin d’être anodins.

Un autre exemple m’a frappé. êdouard Bard montre une carte de l’évolution de la répartition du Chêne vert. Aujourd’hui, il n’y en a qu’autour de la Méditerranée, en 2100 il y en aurait dans le Maine-et-Loire, mon département où il est totalement inconnu !

Ces réflexions ont été confortées par la lecture du chapitre 4 où êdouard Bard rappelle combien l’évolution du climat a conditionné l’évolution de l’humanité : apparition de l’homme ? Disparition de l’homme de Neandertal au profit de l’homme de Cro-Magnon ? Vraisemblablement la colonisation de l’Amérique du Nord, la révolution néolithique, l’apparition des villes et sans doute celle de la civilisation’

Ce que l’on sait des climats du passé est largement conditionné par la recherche en milieu polaire et tout particulièrement l’analyse des glaces anciennes issues des calottes. Dans la partie témoignages et documents, êdouard Bard cite Jean Jouzel, médaille d’or du CNRS pour ses travaux en glaciologie. Il raconte comment à partir des années 1950 et tout particulièrement de l’année géophysique internationale 1957-1958, des forages sont entrepris à l’initiative de Willy Dansgaard et de ses travaux sur l’oxygène 18 qui permet de faire un lien entre la teneur isotopique des glaces et le climat. Les premiers carottages importants sont faits par les êtats-Unis au Groenland (1966) puis en Antarctique (1968). En 1975, c’est Claude Lorius qui réalise un forage de 900 m au Dôme C. En 1983 à Vostock, les Russes dépassent les 2.000 mètres, les Français y coopèrent grâce à l’amitié de Claude Lorius avec Volodya Kotlyakov qui dirige le projet de recherche de Vostock.

La comparaison des forages du Groenland et de l’Antarctique est importante car la variabilité du climat du Groenland est beaucoup plus importante et rapide et permet donc de comprendre la propagation des réchauffements ou refroidissements.

Ces études se fondent sur l’analyse de la composition des glaces : isotopes de l’oxygène et de l’hydrogène (deutérium) pour la température, béryllium 10 pour l’activité solaire, mais aussi bulles d’air emprisonnant l’atmosphère ancienne (composition en CO2), sel ou sable (orientation et violence des vents, des tempêtes, ampleur des déserts’), poussières volcaniques signe d’éruptions anciennes’

Tous ces travaux sont directement liés à la conception des modèles de prévision du climat qui permettent de dégager l’évolution naturelle de l’évolution sous influence anthropique sur les 30 dernières années au moins et qui sont si contestées aux êtats-Unis.