Claude Lorius est un des grands savants français en matière de recherche en milieu polaire. Il a dirigé le Laboratoire de glaciologie et de géophysique de l’environnement de Grenoble. Il est membre de l’Académie des sciences et président du Comité français pour l’année polaire internationale.
Son livre “Glaces de l’Antarctique, une mémoire, des passions” date de 1991. Il est maintenant difficile à trouver puisqu’il est épuisé chez son éditeur. Il faut se le procurer dans une bonne bibliothèque, chez un bouquiniste ou sur Internet. Mais ce petit effort vaut vraiment la peine.
De cette lecture, je retiens trois impressions fortes : l’aventure, la science et le débat sur la gestion internationale et la protection de l’Antarctique.
En matière d’aventure, c’est vraiment extraordinaire de lire comment ont été conduits, dans des conditions extrêmement précaires, les premiers hivernages français dans l’intérieur du continent sur la base Charcot à 320 km au Sud de Dumont d’Urville. Claude Lorius a participé à celui de 1957 lors de l’année géophysique internationale. Il fallait vraiment beaucoup de détermination et de courage pour réaliser ce type de missions scientifiques.
Sont aussi extraordinaires les récits du raid de 1959 ainsi que des premières reconnaissances de Concordia à partir de 1974 et des premiers forages de Vostock dans les années 1980.
Ainsi, durant l’été austral 1974-1975, c’est grâce aux moyens logistiques américains de McMurdo et Pôle Sud que les premières expériences vont pouvoir avoir lieu. L’aide américaine fut absolument capitale puisque tout a été apporté par avions C130. Claude Lorius raconte comment à la mi-janvier 1975, deux avions C130 ont été successivement accidentés sur le Dôme C à cause des conditions extrêmes d’atterrissage et de décollage. Il n’en restait plus que deux en Antarctique pour sauver équipages et missions scientifiques…
C’est aussi grâce au camp installé par les américains durant les deux années suivantes pour réparer sur place et récupérer les avions qu’une nouvelle mission française a pu mener le premier carottage de reconstitution du climat.
En matière de science, il raconte comment les équipes françaises ont pu mener à bien cette reconstitution. C’est une immense réussite scientifique qui place la France au premier rang dans le monde. De nombreuses prouesses techniques ont été accomplies pour identifier et récupérer les différents éléments permettant de dater les carottes et de reconstituer le climat. On a du mal aujourd’hui à imaginer que les courbes des manuels scolaires et toutes ces données qui paraissent évidentes étaient inconnues à l’époque.
Claude Lorius aborde aussi les questions de la gestion internationale de l’Antarctique. Il pointe des débats qui sont toujours d’actualité aujourd’hui. Comment protéger l’Antarctique ? jusqu’où ?
En plein dans les débats sur la convention de Wellington qui encadrait une éventuelle exploitation minière et avant la signature du protocole de Madrid qui le protège, dont j’ai été rapporteur au Sénat, il porte un regard pragmatique. Il évoque de le rapport de Jean-Yves Le Déaut pour l’Office parlementaire sur le sujet. Il revient aussi sur l’intervention du Commandant Cousteau.
Il cherche à répondre à ceux qui voulaient interdire toute présence humaine et toute recherche – il cite Greenpeace -, essaye de trouver une juste voie pour que l’Antarctique soit accessible à tous sans porter atteinte à l’environnement. Il ne donne pas non plus raison à ceux qui voudraient que l’Antarctique soit réservé aux seuls chercheurs.
J’espère vous avoir donné envie d’ouvrir ce livre. Alors bonne lecture !
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