Au cours de ma visite au Muséum, Nadia Ameziane m’a présenté les travaux de son équipe sur l’analyse des écosystèmes benthiques, c’est à dire du fond de l’océan, dans la zone subantarctique. Cette biodiversité est pour nous cachée et largement inconnue. Il y a là une mission de recherche fondamentale pour faire progresser la connaissance du vivant et de ses mécanismes. Ces recherches mettent aussi en évidence la faiblesse des moyens disponibles pour la recherche marine dans la zone.

Le Museum dispose d’une importante collection de prélèvements datant des collectes des années 1960 et 1970 à bord du Marion Dufresne I. Depuis le MD II, de telles collectes ne sont plus possibles à bord et doivent être effectuées sur la Curieuse, un ancien navire de pêche reconverti dans un but scientifique. Mais ce navire a dû être arrêté plusieurs années faute de moyens financiers et les recherches se sont arrêtées. Il y a bon espoir pour qu’une solution soit trouvée l’an prochain.

Si l’on prend l’exemple des ascidies, on constate un fort endémisme, sans doute 1/4 environ et les Kerguelen représentent un bon échantillonnage du milieu austral puisque 40 % des espèces connues sont présentes dans la zone. On remarque aussi une très grande diversité, comparable à celle de l’Europe ou de l’Amérique du Nord. Malgré ces points d’intérêt, aucune étude nouvelle n’a été entreprise depuis 1983.

Il y a donc un véritable enjeu scientifique de valorisation des collections existantes et de renouvellement des recherches. La valorisation passe par l’exploitation scientifique de la collection à travers un réseau international de correspondants, mais aussi le développement de nouveaux outils tout particulièrement génétiques pour identifier les espèces. A cet égard, les anciennes collections formolées ne sont pas exploitables. Il faut donc se fonder sur de nouveaux échantillons. On pense que ces techniques conduiront au doublement du nombre des espèces connues !

A partir de ces données renouvelées, les chercheurs veulent identifier les mécanismes de spéciation, tout particulièrement de groupe d’espèces à travers des radiations adaptives propres à ce plateau péri-insulaire.

Enfin, grâce aux collections des années 1970 et par comparaison avec celles-ci, le Muséum voudrait pouvoir analyser l’impact des évolutions environnementales sur ces espèces du fond de la mer. Le sujet paraît extrêmement intéressant car, me semble-t-il, jusqu’à présent on considère plutôt que l’océan a un rôle d’amortisseur des changements climatiques et que le fond des océans vie dans une sorte d’éternité obscure loin de la surface…