Reprenant après l’été ma tournée des équipes de recherche dans les îles subantarctiques, j’étais récemment en visite à la station biologique de Paimpont, dans la forêt éponyme en Bretagne, pour rencontrer l’équipe du programme 136, dit aussi “Ecobio” pour “Changements climatiques, actions anthropiques et biodiversité des écosystèmes terrestres subantarctiques”. Au programme, un tour d’horizon des recherches en cours et libre échange de vues avec les chercheurs présents et deux thésards. Merci de cet accueil sympathique qui m’a aussi permis de retrouver Mathieu Laparie et Maurice Hullé avec qui nous avions déjà longuement échangé à Kerguelen et sur le Marion.
Cette visite a été très complémentaire de celles que j’avais pu faire au MNHN et à Chizé. Au fur et à mesure, j’acquiers une compréhension plus appronfondie des mécanismes biologiques et des enjeux de l’organisation de la recherche.
Quelques points simplement pour illustrer. J’ai beaucoup écrit sur ce blog à propos des espèces invasives. Marc Lebouvier, coordinateur du programme, m’en a fait encore mieux comprendre toute l’importance. A Kerguelen, il n’y a pas de vertébrés originels et seulement 29 espèces de plantes vasculaires et 23 espèces d’insectes. Les espèces introduites sont au nombre de 69 plantes vasculaires et 30 invertébrés ! Le rapport va de 1 à 3,5 entre espèces autochtones et introduites, voilà toute la gravité de ce sujet !
De même, le changement climatique apparaît à la fois comme une réalité très sensible (recul des glaciers, canicule, pluviométrie) mais l’augmentation moyenne de la température paraît insensible. Un ou deux degré sous nos latitudes cela ne paraît pas beaucoup – même si c’est très important. Dans les îles subantarctiques, on constate une hausse d’1,3°C pour seulement 4,5°C en moyenne. C’est considérable !
Je reviendrais sans doute dans de prochains billets sur certains aspects de recherche fondamentale, nos conversations ont beaucoup porté sur l’internationalisation de la recherche.
Il est très frappant que pour le programme ECOBIO l’internationalisation se soit déclenchée d’un coup, au début des années 1990 et se soit amplifiée depuis. Il y a là un changement culturel dans la manière de mener les recherches. Néanmoins, il semble que l’on puisse encore progresser, notamment dans l’accueil de chercheurs étrangers et dans l’envoi de chercheurs français sur d’autres sites de recherche. Faut-il d’ailleurs continuer de prendre en charge la totalité des frais d’un chercheur étranger sur le Marion et dans les îles ? Faut-il autoriser des équipes entièrement étrangères à mener des travaux sur nos bases ? Quelle contrepartie faut-il demander ?
Il semble aussi qu’en matière de stratégie de coopération, il convienne de développer trois orientations : les programmes circum-antarctiques, des échanges avec des pays subantarctiques et des coopérations sur certaines thématiques avec des pays sans base sub-polaire.
Un autre point important a été abordé : le financement des thèses. Un effort tout particulier doit être entrepris en ce sens pour les équipes “polaires”. La proposition que j’avais émise de “bourses IPEV”, il y a cinq ans dans mon premier rapport, semble rester pertinente pour aider à finaliser des financements. Les thèses restent au coeur de la vie, de la production et de la créativité d’un laboratoire.
Enfin, nous avons aussi évoqué les problèmes récurrents posés par la fréquence de la desserte des îles. Trois rotations sont vraiment insuffisantes. Les enseignants chercheurs ont, en outre, des contraintes propres liés à leurs obligations vis-à-vis de leurs étudiants. Plus généralement, il m’a semblé que le dialogue entre TAAF-IPEV et les équipes devaient s’approfondir pour que le temps long des programmes de recherche puisse être pleinement intégré aux solutions logistiques.
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