Parmi les espèces animales invasives, il y en a peu qui soit aussi néfastes que le lapin. J’ai eu l’occasion de le souligner lors de mon passage à Kerguelen.
Lors d’une récente visite au Muséum national d’histoire naturelle (MNHN), Jean-Louis Chapuis m’en a fait une nouvelle présentation édifiante et a clairement posé la question de la régulation et pour être plus précis de l’introduction de la puce du lapin, vectrice de la myxomatose.
Le lapin est destructeur car il va manger certaines espèces et pas d’autres, construire des garennes et raviner les sols et, au final, favoriser le développement d’espèces introduites au détriment des autochtones.
Au cours des années 1990, un programme expérimental d’éradication a été conduit sur trois îles du Golfe du Morbihan à Kerguelen (Verte, Guillou, Cochons), une île avec lapins (Cimetière) et une sans lapin (Mayes) ont été utilisées comme témoins.
L’éradication du lapin a eu un impact positif à court terme (augmentation de la présence de l’acaena et une diminution du pissenlit) mais à long terme, c’est le pissenlit qui a pris le dessus, les zones recouvertes d’acaena passant de 70 % environ en 1992 à moins de 10 % aujourd’hui.
La première explication a été que le lapin régulait le pissenlit – il est fréquent que les espèces introduites se régulent entre elles – sa disparition conduisant à sa domination. Ainsi, il apparaissait que les conséquences d’une éradication d’espèce pouvaient être catastrophiques si elles étaient insuffisamment évaluées par rapport à l’ensemble du milieu.
Jean-Louis Chapuis, propose d’aller au-delà. En fait, si on observe les îles témoins, avec et sans lapin, l’évolution est proche. On constate le même phénomène de disparition des espèces autochtones au profit d’espèces introduites banales.
L’explication vient de l’évolution climatique. On connaît, depuis le début des années 1990, une phase à la fois chaude et sèche auxquelles les plantes autochtones ne sont absolument pas adaptées. Elles ont besoin d’apports importants et réguliers en eau, supportent parfaitement les basses températures mais ne sont pas adaptées aux températures plus élevées. Quand les populations ne disparaissent pas elles vieillissent et ne se renouvellent pas, se condamnant progressivement.
Par rapport à cette situation très préoccupante, le développement d’espèces invasives à au moins l’avantage de fournir un couvert végétal et de limiter l’érosion des sols sur des îles où ils sont si fragiles.
Au-delà la question qui se pose est de savoir s’il faut tenter de diminuer les populations de lapins pour limiter les dégâts sur les espèces autochtones et les sols sans pour autant l’éradiquer complètement pour maintenir une pression sur les espèces invasives ?
Sur les grandes îles toute tentative de piégeage ou de chasse est vouée à l’échec. Faut-il dès lors introduire le parasite vecteur de la myxomatose ? La maladie est présente à Kerguelen mais mais pas son vecteur de diffusion. Est-ce jouer à l’apprenti sorcier ou, au contraire, est-ce la bonne solution sachant que cette puce et cette maladie sont spécifiques au lapin ?
Une décision négative a été prise il y a cinq ans. Faut-il la réévaluer ?
Commentaires
Bonjour,
Concernant les lapins, l’expérience Australienne peut servir de base.
Etant envahis par les lapins, les australiens ont réagis de diverses manières:
Introduction de renard => Echec => ceux ci se sont attaqués d’abord aux marsupiaux
Construction de 3000 km de cloture => echec
1950 => Introduction de la myxomatose => 80 % des lapins tués mais les survivants sont devenu résistants à la maladie => echec
introduction de la puce espagnole => echec
“apparition accidentelle” du virus de la fievre hemorragique en 1995 qui tue les lapins en 24 ou 48 h mais ce virus n’a pas fonctionné dans les zones humides ou préexistait un autre virus qui à annihilé la virulence de la fievre hemoragique => echec
introduction récente d’un virus immuno contraceptif => la population de lapin n’est plus que de 200 millions en Australie
Pourquoi la chasse ne peut elle pas réguler la population des Kerguelen? (Qui est quand même une petite ile comparée à l’australie)
Dans les régions boisées française, ce sont les chasseurs qui jouent bien souvent ce rôle de limitation des espèces “invasives”. On peut prendre l’exemple du sanglier dans les Ardennes qui est l’objet d’un plan de chasse spécifique basé sur les dégats agricoles constatés.
Cdlt
OF