clip image0029 150x150 Les esclaves oubliés de TromelinNous sommes arrivés ce matin à proximité de l’île de Tromelin. J’apercevais enfin ce minuscule bout de terre dans l’immensité de l’océan Indien. Je vais vous expliquer pourquoi la découverte de cette île me chargeait d’émotion.

 

Mais avant, je dois vous dire que le bateau ne peut s’arrêter au bord de la côte. Il n’y a pas du tout de quai. Il doit rester au « mouillage ». C’est le terme utilisé quand un navire reste en mer à quelques centaines de mètres de la plage. Pour débarquer, il y a deux solutions : prendre un canot pour rejoindre l’île ou par la voie des airs, c’est-à-dire l’hélicoptère. C’est, du reste, celle qui est adoptée sur le Marion aussi bien pour les passagers que les marchandises. 

Je reviens à mon souvenir de l’île Tromelin, par une lecture d’un roman d’Irène Frain, intitulé Les esclaves oubliés de l’île Tromelin. Il y a deux cent cinquante ans, un bateau de commerce français appelé « L’Utile » avait, à son passage sur l’île de Madagascar, chargé dans ses soutes de façon illicite un groupe de 150 esclaves pour les vendre à une prochaine destination. Le capitaine du bateau qui était un homme dure, malhonnête et trop sûr de lui, en désaccord avec son second, a imposé la route qui, au milieu de la nuit, a projeté le bateau sur la côte de l’île de Tromelin, faisant ainsi naufrage et perdant la moitié de l’équipage et du groupe d’esclaves.

clip image00310 150x150 Les esclaves oubliés de TromelinL’ensemble des rescapés a survécu sur cette île où la végétation est rare et ne dépasse guère plus d’un mètre de hauteur. Le second du navire, devenu le responsable à la suite du décès du capitaine, a entrepris avec les restes du bateau, récupérés à la marée suivante, de construire une embarcation pour rejoindre Madagascar emmenant avec lui le reste de l’équipage et promettant aux esclaves de revenir, au plus tôt, les chercher.

Mais il était bien sûr difficile d’expliquer aux autorités la nécessité d’affréter un bateau pour aller rechercher des esclaves que l’on avait emmenés frauduleusement dans l’objectif de faire de l’argent.

C’est seulement 16 ans plus tard qu’un bateau est venu les secourir. Il restait alors huit femmes. Cette triste histoire à la veille de la Révolution française a fait prendre conscience, notamment par la voix de Condorcet, que l’on ne pouvait poursuivre le marchandage des humains.

 D’ailleurs, après une première abolition sous la Révolution sur laquelle est revenue Napoléon Ier, c’est un sénateur, Victor Schoelcher, qui a obtenu au 19e siècle l’abolition de l’esclavage. Il est enterré au Panthéon. Un monument a été érigé dans les jardins du Luxembourg qui entourent le Sénat et une cérémonie a lieu chaque année pour célébrer l’événement.

 Il reste sur l’île à l’endroit du naufrage, l’ancre de « L’Utile » et quelques canons qui équipaient ce navire de commerce pour affronter les pirates. On a également retrouvé quelques traces des habitations construites à l’époque. Quand, ce matin, j’ai posé le pied sur cette île de légende, j’ai bien sûr imaginé, promenant mon regard sur ce bout de terre, la difficulté pour ces personnes de vivre en cet endroit.