clip image00246 Langouste australeNous sommes arrivés vendredi soir sur Amsterdam et avons enchaîné par une visite technique de la base. Ce matin, samedi, mon programme est de visiter le navire langoustier l’Austral qui est le seul navire à avoir le droit de pêcher langoustes et poissons dans la ZEE (zone économique exclusive) de St-Paul et Amsterdam. La pêche est finie depuis deux jours et très aimablement le capitaine nous a attendus pour nous permettre de visiter son navire armé par la SAPMER. 

Un zodiaque vient nous chercher à la cale, au pied de la base, et nous voilà partis. 

 

 

clip image00336 Langouste australeMichel Le Glatin, le Capitaine, n’est pas un marin d’eau douce, plus de 30 ans de pêche australe à son actif comme matelot, lieutenant, second et capitaine depuis un peu plus de dix ans. Il nous fait les honneurs du bord.

 L’Austral est un ancien chalutier qui a été transformé pour la pêche à la langouste. C’est un navire de plus de 60 m avec un équipage de 50 marins environ.

Le TAC (total admissible de capture) de 400 tonnes est partagé en deux quotas, l’un pour la langouste côtière, l’autre pour la langouste de fond. Il est réparti entre les deux petits caseyeurs et les quatre doris du bord. Chaque embarcation a son propre patron et son équipe. Chacun est rémunéré, en plus du SMIC pêche légal, à la part de pêche de son embarcation. Tout le monde marche au mérite. Ne devient chef de pêche que celui qui a fait ses preuves et sait amener les autres dans « les bons coins ». 

Une fois pêchée, la langouste est triée et traitée. Le premier tri est légal : le poids réglementaire. Aucune langouste de moins de 150 g n’est conservée (Jasus Paulensis est plus petite que la bretonne). Le reste est traité en fonction de la demande des clients : calibrage précis, cuite ou crue, entière ou étêtée. Je suis vraiment impressionné par le dispositif du bord. A sa sortie de l’Austral, la langouste est déjà conditionnée pour les restaurants. Chaque langouste est ensachée individuellement. Des colis de deux fois 5 kg sont préparés. A chaque caisse correspond un calibre particulier. Le poids est exact à 10 g près maximum. Je mesure combien les conditions de vie à bord son éprouvantes avec de longues journées et des cadences soutenues.

L’Austral a aussi une activité de pêche sur quelques poissons de la zone. C’est plus un complément qu’un véritable but, compte tenu des objectifs de rentabilité. 

La visite s’achève par un long échange dans la cabine du capitaine autour d’un céviche de langouste et d’un verre de blanc. Le contrôleur de pêche, une femme, nous rejoint ainsi que le Commandant Courtes, et nous devisons plus d’une heure tous ensemble sur la pêche ici et ailleurs. Un excellent moment plein de vérité humaine grâce à l’hospitalité légendaire du patron de l’Austral. 

Cette visite ouvre pour moi plusieurs pistes de travail :

  • La pêcherie langouste paraît bien gérée. Elle repose sur l’avis scientifique du Muséum et, me semble-t-il, sur l’écoute attentive des pêcheurs. Ce dialogue est absolument essentiel.
  • Je me demande pourquoi cette pêcherie n’est pas encore labellisée MSC (Marine Stewardship Council, un organisme international de labellisation des pêcheries durables) puisque la traçabilité et les contrôles sont parmi ce qui se fait de mieux.
  • Par contre, il n’y a pas de pêche scientifique de la langouste : tout repose sur les données de pêche certifiées par les contrôleurs. Cela me semble être une faiblesse.
  • Plus encore, j’apprends qu’un TAC sur les poissons de la zone est alloué sans qu’il y ait de campagne scientifique d’évaluation de la biomasse. Je suis vraiment étonné.
  • Je suis également surpris qu’en dehors des eaux territoriales aucun banc ne soit classé en aire marine protégée.