Chers internautes, chers commentateurs,

La mission sénatoriale que j’ai conduit sur l’impact des nouveaux médias sur la jeunesse touche à sa fin. Mon rapport, adopté à l’unanimité par la commission des affaires culturelles la semaine dernière, est rendu public demain à l’occasion d’une conférence de presse organisée à 11h30 au Sénat.

Il sera bien sûr en ligne sur ce blog dès sa publication officielle.

En attendant, je vous livre les compte-rendus des auditions que je n’avais pas encore mis en ligne.

Je remercie les lecteurs et les commentateurs de ce blog qui m’ont permis de faire avancer ma réflexion et d’infléchir mes positions. Je pense particulièrement aux nombreux documentalistes qui s’ont venu s’exprimer. J’ai pris conscience, grâce à eux, de l’importance de leur mission et du rôle qu’ils pouvaient jouer dans l’éducation aux médias. De fait, je fais plusieurs propositions visant à renforcer leur rôle.

A demain, donc, pour de plus amples explications.


Audition de Mme Agnès VINCENT-DERAY
membre du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel

(22 mai 2008)

Mme Agnès Vincent-Deray a, en introduction, cité une enquête selon laquelle les enfants de 8 à 15 ans sont davantage devant la télévision ou la radio qu’en classe et estimé que la politique de protection de la jeunesse devait par conséquent faire face à un véritable « bombardement d’images ».
Elle a rappelé, à cet égard, que la loi de 1986 avait confié au CSA la mission de veiller à la protection de l’enfance à la télévision et à la radio. La signalétique, les interdictions administratives et le contrôle du respect de la dignité humaine sont autant de niveaux d’intervention du Conseil pour remplir cette mission. Les modalités de contrôle sont basées sur le principe de la corégulation : ce sont les chaînes qui choisissent la signalétique et les horaires, le CSA effectuant un contrôle a posteriori. Une chaîne a par exemple été sanctionnée en raison de la diffusion d’une émission de télé-réalité diffusant des images de mineurs sans autorisation, les publicités pour des SMS à caractère érotique ont quant à elle été limitées aux horaires de nuit, une recommandation a également été publié sur les chaînes pour les tout petits.
Mme Agnès Vincent-Deray a ensuite noté que la télévision mobile personnelle et la vidéo à la demande nécessitaient une régulation, dont les modalités sont étudiées par le CSA. Elle a insisté à cet égard sur l’intérêt qu’il y aurait à harmoniser les degrés de protection selon les supports utilisés (DVD, Internet, télévision). Elle a remarqué à cet égard que le CSA est compétent pour les « web TV » et « web radio », qui constituent des services de télévision linéaires. S’agissant d’Internet, elle a conclu qu’il y serait utile de créer une commission de déontologie de l’Internet proposant des outils de filtrage, labellisant les sites et présentant des méthodes d’éducation aux médias.
La conseillère a ensuite insisté sur la participation du CSA à l’effort d’éducation aux médias à travers la diffusion de messages sur la protection des mineurs à la télévision, le travail avec le ministère de l’éducation nationale sur des sessions de formations avec les professeurs, et avec le secrétariat d’êtat à la famille sur l’information des parents.

Audition de Mmes Françoise Mougin et Christine du Fretay
respectivement membre de la Fédération des conseils de parents d’élèves
et présidente de l’association e-enfance

(22 mai 2008)

Mme Françoise Mougin, membre de la Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE) a insisté sur l’usage combiné des nouveaux médias par les jeunes et estimé qu’ils en sont à la fois « maîtres et dépendants ». S’ils utilisent très aisément les nouvelles technologies ils sont en effet menacés par les risques d’addiction qu’elles comportent.
Elle a estimé que le premier impact des médias est commercial, et que la publicité qu’ils véhiculent constitue une incitation permanente à consommer. Les jeunes sont fortement concernés puisqu’ils jouent un rôle de prescripteur au sein de la famille. Rappelant que le pourcentage d’obèses augmente avec le nombre de téléviseurs par chambre et que, plus les familles sont pauvres, plus le nombre de ces téléviseurs est important, elle a fait le souhait, au nom de la FCPE, qu’une loi limite la publicité pour les produits gras et sucrés.
Mme Françoise Mougin a ensuite souligné que le fait que les phénomènes communautaires soient consubstantiels à Internet déstabilisait le modèle français et les valeurs républicaines.
Elle s’est également inquiétée des demandes de plus en plus précoces des jeunes de disposer d’un téléphone portable, ce qui est très difficile à gérer pour les familles. Elle s’est donc déclarée favorable à l’interdiction des téléphones mobiles destinés aux petits enfants.
Mme Françoise Mougin a enfin revendiqué la mise en place de programmes audiovisuels spécifiques pour la jeunesse de qualité, la diffusion d’un journal quotidien d’information à destination des jeunes sur le service public de l’audiovisuel et le renforcement de l’approche critique de l’éducation aux médias à l’école.
Notant que la pénétration du mobile dans les pays de l’Union européenne est massive, Mme Christine du Fretay a quant à elle estimé qu’il était illusoire de s’y opposer. Elle a considéré qu’il était peut-être intéressant que des téléphones spécifiques pour les jeunes existent, s’ils ne sont pas multimédias.
Elle a ensuite rappelé le projet d’e-enfance qui est l’information des familles, notamment sur la qualité des logiciels de contrôle parental.
Le premier impératif est, selon elle, que les parents ouvrent un compte sur leur ordinateur par membre de la famille, préalable indispensable à l’efficacité du logiciel de contrôle parental. L’association a, à ce titre, produit un DVD de conseil mais s’est aperçue que les parents ne le connaissent pas, parce qu’ils n’ont pas conscience des risques d’Internet, et que ce sont plutôt les enfants qui ont assimilé les recommandations du DVD, parce que le sujet les intéresse.
Sur la question de l’efficacité des logiciels de contrôle parental, elle a souligné que les fournisseurs d’accès ont en tous mis en place depuis juin 2006, qu’il est désormais gratuit, et que 30 à 40 % des parents l’ont activé. Estimant que le contrôle effectué était plutôt satisfaisante, elle s’est par ailleurs déclarée plutôt optimiste sur leur capacité à filtrer les contenus choquants à l’avenir.
Regrettant enfin l’absence d’éducation aux médias, elle a proposé qu’un permis de surfer sur Internet soit délivré au collège, après passage d’un test.

Audition de M. Christian Aghroum,
Chef de l’Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication (OCLCTIC)

(22 mai 2008)

M. Christian Aghroum a rappelé que l’OCLTIC a été créé en 2000 afin de lutter contre la délinquance liée aux nouvelles technologies de l’information et de la communication. L’office s’occupe des infractions liées aux ou facilitées par les nouvelles technologies.
Soulignant que la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique impose aux fournisseurs d’accès à Internet de signaler les contenus à caractère illicite sur Internet portés à leur connaissance, il a noté que l’OCLCTIC dispose depuis 2006 d’une plate-forme nationale de signalement des contenus illicites, qui constitue un point d’entrée simple pour les professionnels et pour les particuliers. Ces signalements ne constituent pas des plaintes, mais s’ils sont avérés et constitutifs d’infractions pénales, l’office peut s’autosaisir et mener une enquête.
Sur le site Internet qui servait de support (www.internet-mineurs.gouv.fr), seuls les contenus portant atteinte aux mineurs pouvaient être signalés. La plate-forme de signalement propose également des conseils aux parents et aux enfants concernant l’utilisation d’Internet, une information sur l’ensemble des législations nationales et internationales relatives aux crimes et délits à caractère sexuel sur mineurs par le biais des réseaux Internet, une présentation des organismes nationaux et internationaux de protection de l’enfance et précise les procédures de signalement mis à disposition de l’utilisateur. Cette adresse génère des informations qui sont exploitées par l’OCLCTIC. De septembre 2006 à septembre 2007, 20 000 signalements ont été faits (avec des redondances) et 12,5 % d’entre eux ont donné lieu à une enquête nationale ou internationale.
Avant la fin de l’année 2008, la plate-forme devrait être étendue à l’ensemble des infractions et l’adresse a d’ores et déjà été modifiée en ce sens et est devenue : http://www.internet-signalement.gouv.fr/.
La plate-forme est gérée par 5 policiers et 5 gendarmes qui renvoient les plaintes aux services d’enquête, grâce à un protocole simplifiant les transmissions. La lutte contre la pédopornographie est une priorité. L’office peut également être conduit à repérer et à poursuivre les auteurs de contenus racistes ou antisémites sur Internet, la direction des libertés publiques et des affaires juridiques ayant défini des critères permettant de caractériser les délits. Enfin des méthodes criminelles, comme le « phishing », qui vise à usurper l’identité d’un internaute, font également l’objet d’enquêtes de l’office.

Audition de M. Julien BORDE,
Directeur des programmes jeunesse de France 3

(22 mai 2008)

Rappelant la force du groupe France Télévisions dans l’animation, M. Julien Borde a insisté sur le fait que la qualité des programmes jeunesse était une préoccupation importante sur le service public de l’audiovisuel. Il a rappelé que si trois ou quatre chaînes constituaient le paysage médiatique de la jeunesse dans les années 1980, les années 1990 ont connu un puissant développement des chaînes thématiques, notamment jeunesse, et que les années 2000 vivent à l’heure de la révolution du « global media » avec une convergence forte des contenus audiovisuels et numériques.
Les concurrents de France 3 sont ainsi également les jeux vidéo et les sites Internet qui offrent des contenus à la demande, extrêmement diversifiés (du coloriage à la discussion communautaire), interactifs (les enfants fuient de plus en plus tôt l’animation pour les jeux vidéo ou les films « dont ils sont le héros ») et sur lesquels les enfants peuvent produire et diffuser du contenu.
France 3 a pris de nombreuses initiatives dans le domaine du « global media » avec la création d’un site Internet spécifique jeunesse (toowam.fr) qui est une antenne interactive des animations diffusées sur les chaînes, avec l’ajout de contenus autour de jeux vidéo et d’expériences communautaires.
Par ailleurs, une émission (Kyou) diffusée le samedi décrypte les jeux vidéo et à une visée pédagogique sur le « global media ». Il a insisté sur le fait que France 3 projetait aussi de diffuser une émission décryptant Internet.
M. Julien Borde a présenté le lancement du projet « Wakfu », première série « global media » qui a pour support France 3, avec une animation, un site Internet dédié et enfin un jeu en ligne massivement multi joueur créé par Ancama Animation, société de Roubaix qui travaille sur la fusion de l’animation et du jeu vidéo. L’univers graphique est doux et familial pour que les enfants et les parents puissent se retrouver dans cet univers.
A une question de M. David Assouline sur les spécificités du service public, M. Julien Borde a répondu que les séries étaient véritablement co-produites par la chaîne avec une association à la création depuis le premier jour et à chaque étape de l’élaboration du projet. Un journaliste de France 3 vérifie aussi la conformité des programmes aux valeurs de France Télévisions qui sont la fédération des parents et des enfants, des petits et des grands, des filles et des garçons (il n’y a aucune segmentation dans ce domaine), l’originalité de la narration et enfin l’exemplarité du programme (valeurs positives, non-reproduction de comportements dangereux). Les mêmes principes sont appliqués sur Internet et le site toowam est entièrement clos, requiert une inscription, et ne renvoie à aucun contenu extérieur. Le lecteur vidéo est également différent pour les jeunes et pour les parents.
Enfin, il a estimé que l’éducation aux médias devient absolument indispensable et « ne peut être un éternel serpent de mer ». Des magazines d’information jeunesse doivent à ce titre être développés rapidement.
S’agissant de la différenciation France 2 / France 3, il a indiqué que la première s’adressait davantage aux adolescents, et notamment le site Internet qui compte 18 millions de pages vues mensuellement et 1,3 million de visiteurs uniques.

Audition de Mme Claudine CAUX,
Vice-présidente de la Fédération des parents d’élèves
de l’enseignement public (PEEP)

(5 juin 2008)

Tout en rappelant que les nouveaux médias avaient de nombreux bienfaits pour la jeunesse (soutien scolaire en ligne, source d’information’), Mme Claudine Caux a souhaité d’emblée souligner qu’ils avaient un impact fort et souvent négatif sur la jeunesse qui en abuse.
Elle a regretté que les parents ignorent le plus souvent l’usage réel des nouvelles technologies par leurs enfants, du fait d’un manque de temps et de leur méconnaissance de ces outils. Elle a en outre insisté sur les problèmes que cela pose en matière d’échanges entre les parents et les enfants.
A M. David Assouline qui soulignait le caractère interactif d’Internet, Mme Claudine Caux a répondu que si les 13-15 ans cherchent à s’intégrer et ont de véritables échanges sur Internet, les 15-18 ans ont davantage tendance à mettre en scène leur ego.
Sur la question du B2i, Mme Claudine Caux a déclaré : « c’est très bien, mais ce n’est plus adapté », insistant sur le caractère basique de ce brevet au regard de la maîtrise actuelle de nos jeunes sur le sujet. Estimant que l’éducation aux médias était une discipline par nature transversale, elle a souhaité que l’ensemble des acteurs -parents, école, mais aussi médias- soient davantage sensibilisés à cette problématique, tout en préconisant qu’une ou deux matières devraient s’attacher à traiter plus précisément cette question.
S’agissant de l’implication des médias, elle a affirmé qu’il faudrait qu’ils soient disposés à faire plus en matière d’éducation à l’image et que les actions pédagogiques concertées avec l’éducation nationale seraient les bienvenues.

Audition de M. Olivier ESPER, Chargé des relations institutionnelles
et Mme Myriam BOUBLIL, directrice communication
de Google Inc

(5 juin 2008)

M. Olivier Esper a tout d’abord présenté rapidement l’activité de Google, qui est d’organiser l’information et de la rendre accessible et utile à tous. Son modèle économique est basé sur l’agrégation de micro-audiences et la diffusion de la publicité sur des milliers de sites Internet. Avec la démocratisation des outils de distribution, ce sont de multiples marchés de niches qui se sont développés et que Google a investi.
Si ce nouvel espace de liberté d’expression a des atouts extraordinaires en termes de partage de contenus et de liberté d’expression, il pose aussi des défis majeurs dont le principal est la protection de l’enfance. C’est la raison pour laquelle Google a mis en place des outils de protection de la jeunesse.
A M. David Assouline qui suggérait que le risque de la recherche d’audience pouvait être la tentation de diffuser des images choquantes, lesquelles attirent souvent un public nombreux, Mme Myriam Boublil a répondu que les dispositions légales prévenaient ce type de dérives puisque les hébergeurs sont responsables des contenus diffusés par leurs clients.
Elle a ensuite décrit les dispositifs mis en place par Google pour renforcer la protection de la jeunesse : le moteur de recherche est ainsi doté d’un paramétrage spécifique « safesearch » que peuvent mettre en place les parents, et qui filtre les contenus adultes, à la fois les images et les textes. Elle a signalé que le filtre modéré était la valeur par défaut lorsque les internautes effectuent une recherche sur Google. Le filtre est constitué à partir de la détection automatique de contenus pornographiques et du signalement par les autres internautes. Il est donc associé à un centre de protection de l’enfance Google qui est une plate-forme de signalement des contenus qui pourraient choquer les enfants. Une équipe d’ingénieurs travaille 24h/24 afin de déréférencer les sites de la recherche Safesearch.
Mme Myriam Boublil a ensuite évoqué l’exemple de YouTube, site communautaire de partage de contenu vidéo dont Google Inc est propriétaire. Elle a souligné que 17 catégories de signalement de contenus interdits avaient été créées et que l’analyse des contenus était permanente, avec un système de suppression de compte en cas de récidive de mise en ligne d’un contenu illégal.
M. Olivier Esper a enfin souhaité faire la présentation des initiatives de Google France en matière d’éducation aux médias : le tour de France des collèges, qui consiste en des actions d’apprentissage de l’utilisation d’Internet à des élèves, le soutien des actions d’e-enfance (hébergement de leurs vidéos sur Youtube et campagne publicitaire gratuite sur Internet) et ChercheNet, jeu concours monté en partenariat avec la Délégation aux usages de l’Internet, qui vise à éduquer à la création de contenus et au respect de la propriété intellectuelle.

Audition de Mme Florence HERMELIN,
directrice de NRJ Lab, et M. Léonidas KALOGEROPOULOS

(5 juin 2008)

Mme Florence Hermelin a décrit les modalités de fabrication de l’étude annuelle Youthology, commandée par NRJ Groupe. Elle est établie par un formulaire de 250 questions (dont 60 questions ouvertes) envoyé à un panel de jeunes de 11-25 ans. Afin de renforcer l’aspect ethnologique, il leur est aussi demandé de fournir leur photographie préférée (très souvent c’est leur ordinateur qu’ils prennent en photo) et de filmer ce qu’ils souhaitent avec un caméscope qui leur est confié.
L’étude 2008 a montré notamment les faits suivants :
- la rupture Paris/province qui existait s’estompe au profit d’une coupure urbains/ruraux ;
- Internet n’est pas utilisé comme un média mais plutôt en tant qu’outil, qui permet aux jeunes de se cacher émotionnellement et spatialement. « Ils se connectent au monde tout en s’en protégeant » ;
- un rapport fusionnel aux marques est visible ;
- en 2007, les élections ont été l’occasion d’un renouveau d’espoir car les jeunes se sont projetés dans une France d’avenir ;
- si les nouvelles technologies ont libéré la parole jeune, peu d’enjeux sociétaux se dégagent, les jeunes étant largement spectateurs de leur propre vie sur le Web 2.0 ;
- ils ont aussi des craintes par rapport aux nouveaux médias, notamment vis-à-vis de leur réputation. Beaucoup de collégiens n’iraient plus aux toilettes de peur d’y être photographiés et les réputations ternies sur Internet ont un impact très important. En contrepartie de la réduction de leur vie privée, les jeunes cherchent des endroits privés sur Internet, d’où le succès des réseaux communautaires ;
- il n’existe pas de guide ou de mentor sur Internet, car tout le monde dit tout et son contraire, une nouvelle féodalité se serait créée avec des réseaux affinitaires (tektonik’). Les règles traditionnelles peuvent donc y être malmenées ;
- l’instinct grégaire des adolescents est flatté par les nouvelles technologies ;
- les jeunes ont conscience des excès dans l’utilisation des nouveaux médias : celui qui y passe tout son temps est le « no life » ;
- la propriété n’est pas protégée sur Internet, un esprit de colocation et de mutualisation semble en fait y régner.
Sur les différences entre les tranches d’âge, Mme Florence Hermelin a considéré que les collégiens cherchaient un moyen d’intégration alors que les lycéens partaient à la conquête de l’autre, avec une surenchère identitaire.
S’agissant de l’éducation aux médias, elle a exprimé le sentiment que les jeunes la réclamaient et qu’elle était nécessaire tant les mécanismes de contrôle parental peuvent être détournés. Elle a cité des exemples intéressants de cours d’initiation à Photoshop organisés en Suède, pour apprendre aux élèves qu’on peut modifier la réalité. La lutte contre l’anorexie peut ainsi être un objectif.

Audition de Mme Karine BLOUET,
secrétaire générale du groupe M6

(12 juin 2008)

Mme Karine Blouet a en premier lieu déclaré que la protection de jeune public constituait un enjeu majeur pour les sociétés de médias, en raison de l’impact psychologique et sociétal des images sur l’épanouissement des enfants.
Elle a ensuite rappelé les grands principes du système de protection des mineurs à la télévision, qui sont la liberté de communication audiovisuelle, la mise en place d’une autorité de régulation sectorielle, et la responsabilité des éditeurs dans leur programmation.
Insistant sur l’efficacité du dispositif, elle a néanmoins insisté sur la difficulté de le transposer sur Internet ou la téléphonie mobile, dans la mesure où ces nouveaux supports sont délinéarisés, la responsabilité éditoriale est incertaine avec le développement des contenus générés par les utilisateurs, et le contrôle est rendu plus difficile par la personnalisation des récepteurs.
Elle a reconnu l’importance du rôle des éditeurs, se félicitant ainsi que le service de télévision de rattrapage de M6, M6 Replay, respecte la signalétique apposée lors de la diffusion du programme à l’antenne et qu’une pleine page rappelant cette signalétique ait été mise en place avant leur démarrage. Elle a néanmoins souligné qu’il s’agissait d’une initiative personnelle de M6 et que le droit français ne fait pas de distinction claire entre les éditeurs et les fournisseurs de services de communication au public en ligne. Si la directive relative aux services de médias audiovisuels tend à définir une catégorie de services de communications au public en ligne dont l’activité principale consiste à proposer des vidéos à la demande, le média Internet dans son ensemble pourra difficilement faire l’objet d’un régime spécifique de protection de la jeunesse.
Mme Karine Blouet a estimé que la difficulté technique de mettre en place un contrôle sûr des contenus numériques diffusés imposait de renforcer la politique d’information et de prévention. A ce titre, elle a salué la publication par le Forum des droits sur l’Internet d’un guide à l’adresse des adolescents « Internet et moi » destiné à informer et à prévenir sur les différents usages d’Internet et les précautions à prendre. êgalement consciente des responsabilités de la télévision, elle a souligné la diffusion par M6, dans le cadre de la semaine de l’Internet, d’un programme court de 52 épisodes de 2 minutes destinés à sensibiliser les enfants aux dangers de ce média. Cette démarche a été réalisée en partenariat avec le ministère de l’éducation nationale et la commission européenne.
Elle a rappelé que qu’à la différence de la télévision, Internet était le plus souvent utilisé individuellement (le week-end, 26,6 % des 13-14 ans navigueraient seuls sur Internet) et contenait des contenus choquants aisément accessibles aux mineurs. Il est donc important que les parents soient alertés des risques d’Internet et des modalités de mise en place des restrictions d’accès possibles pour protéger leurs enfants.

Audition de M. Mehdi DERFOUFI
Délégué général de l’Union française du film pour l’enfance et la jeunesse (UFFEJ)

(16 juin 2008)

En préambule, M. Mehdi Derfoufi a rappelé que l’UFFEJ a une mission d’éducation aux médias qu’elle exerce par l’intermédiaire de dispositifs scolaires spécifiques, de formations d’adultes et d’organisation de temps de réflexion nationaux sur la culture audiovisuelle. Si l’union approfondit sa réflexion sur les nouvelles technologies c’est parce qu’elle considère qu’elles entraînent un bouleversement de la conception de la culture, des formes de l’éducation et de la notion d’auteur. Le travail mené auprès des jeunes impose ainsi de réfléchir aux évolutions de leurs pratiques, parallèles au développement des nouveaux médias.
Il a, à cet égard, fait état d’un certain nombre d’analyses faites lors d’un débat organisé par l’UFFEJ sur le rôle du cinéma. Le premier constat est le cinéma n’est pas adapté aux nouvelles technologies, car les films qui sont diffusés dans les salles doivent disposer de visas d’exploitation et d’un statut juridique (qualification jeunesse, auteur’). Par ailleurs le public jeune déserte les salles classées « Art et essai » au profit du visionnage d’êuvres sur Internet, notamment sur les sites de partage de vidéo. En dépit de la multiplication de microprojets locaux de développement de petites salles de cinéma, le fait est que le public jeune se raréfie et que les professionnels ne sont pas qualifiés pour mettre en avant les êuvres issues des nouvelles technologies. L’un des impacts majeurs de ces phénomènes est la remise en cause de la notion de lieu culturel, notamment s’agissant des lieux destinés à la jeunesse. Les associations d’éducation populaires doivent à cet égard développer des pratiques innovantes intégrant la culture numérique des jeunes.
M. Mehdi Derfoufi a souhaité écarter toute interprétation manichéenne des nouvelles technologies, qui ne constituent en elles-mêmes, selon lui, ni une aliénation ni une émancipation. La critique des nouvelles technologies découle en partie d’une peur de la démocratisation de la culture qui bouleverse la programmation traditionnelle et modifie les facteurs de choix culturels. Si les jeunes ne viennent pas au cinéma, en revanche, ils pratiquent les images au quotidien sur Internet et regardent des films téléchargés. Ils ont donc indéniablement une Culture de l’image. Toutefois, il a considéré que ce constat ne devait pas laisser la place à l’euphorie, notamment lorsque certains estiment que les nouvelles médias développent des compétences spécifiques chez les jeunes pratiquants. Il a souligné qu’il s’agissait le plus souvent d’un savoir-faire dénué de savoir et que la question de l’objet de ces compétences n’était pas suffisamment posée.
Remarquant enfin que le cinéma s’est insuffisamment approprié les nouvelles technologies, il a émis le souhait que les différentes formes d’art leur fassent une place afin que les pratiques culturelles des jeunes ne soient pas opposées à la culture classique mais qu’au contraire des points de contact soient créés et les convergences valorisées.

Audition de M. Roland HUBERT, secrétaire général,
et de Mme Vassilia MARGARIA,
du Syndicat national des enseignements de second degré
(SNES-FSU)

(26 juin 2008)

M. Roland Hubert a regretté qu’en dépit de l’existence de lieux et personnels adaptés pour l’éducation aux médias, cette discipline ne soit pas suffisamment présente dans notre enseignement. Si les professeurs documentalistes participent par exemple à la semaine de la presse et à certaines initiatives ponctuelles, la politique pédagogique menée manque souvent de cohérence.
Selon Mme Vassilia Margaria, l’éducation aux médias est une nécessité liée à la « culture informationnelle » dans laquelle nous baignons. Il s’agit d’un enseignement à la fois à la recherche d’information, au recul critique nécessaire pour analyser les médias, et à la création de contenu. Elle a fait le constat d’une insuffisance d’impulsion institutionnelle en la matière en dépit de la création du CAPES de documentaliste en 1989 et de la diffusion des nouvelles technologies dans les établissements scolaires. Elle a estimé que l’Education nationale doit avoir comme priorité de définir un référentiel dans cette discipline, de désigner le personnel responsable de son enseignement, et de définir le temps que les élèves pourraient y consacrer.
Sur la question de la refonte des programmes, M. Roland Hubert s’est félicité de la présence de plus en plus importante de l’analyse des êuvres dans les programmes, mais a déploré que l’on ne parte pas davantage de la pratique des élèves et que l’évaluation du B2i soit insuffisante. A ce titre il a estimé que le livret du B2i qui contient une série de micro-compétences à valider est moins pertinent que ne le serait une évaluation de ces capacités dans le cadre d’un travail interdisciplinaire. C’est au demeurant l’intérêt des travaux personnels encadrés.

Audition de M. Michaël STORA,
psychologue clinicien pour les enfants et adolescents,
consultant pour Skyblog

(26 juin 2008)

Après avoir rappelé que la France était le pays comprenant le plus grand nombre de blogs d’adolescents, M. Michaël Stora a précisé que les blogs évoquant les contenus morbides (scarifications, suicides) étaient très minoritaires, et que 10 à 15 cas avaient été portés à sa connaissance depuis un an, sur les 16 millions de blogs ouverts sur la plate-forme Skyblog. Sur ces cas, il effectue un travail d’expertise avec Fil santé jeunes et éventuellement envoie un courrier au bloggeur pour évoquer avec lui ses difficultés.
Il a considéré que le blog a de réelles vertus thérapeutiques, parce qu’il est l’une des voies de la créativité et qu’il joue un rôle dans le développement personnel. Il a illustré son propos en évoquant le cas d’un blog contenant des billets suicidaires dont il a contacté l’auteur, lequel s’est révélé être une jeune fille ayant deux blogs et pour laquelle celui sur le suicide avait un caractère ludique. Ce blog exprimait en fait une volonté d’exister à travers l’audience importante qu’il pouvait rencontrer. Estimant que « grandir c’est mourir un peu », il a estimé que les jeunes avaient besoin d’évoquer des sujets difficiles et que le blog était plutôt un bon moyen de le faire. Il a estimé à cet égard que l’idée d’interdire les sites Pro ana lui semblait aller dans la mauvaise direction.
Après avoir admis la dimension thérapeutique de la parole, M. David Assouline s’est interrogé sur l’intérêt qu’elle soit publique et a souhaité connaître le sentiment de M. Michaël Stora sur la capacité des jeunes à distinguer le réel du virtuel.
M. Michaël Stora a reconnu qu’il y avait un paradoxe apparent dans le blog que les Français considèrent comme un avatar du journal intime mais qui est en fait un « journal de bord » destiné à être lu par tout le monde. Il a estimé que tout acte créatif, qu’il soit public ou privé, était thérapeutique, citant comme exemple les films ou les livres souvent créés pour remédier à un mal être.
Sur la question du virtuel, il a estimé qu’Internet n’était pas un lieu de la toute puissance mais une plate-forme de dialogue, où la parole de l’autre est importante et que les jeunes n’y confondent pas le réel et le virtuel. Selon lui, Internet est en fait le lieu d’une contre-culture où l’image idéale fabriquée par la télévision est démontée. Il a néanmoins reconnu que certaines pratiques néfastes (par exemple la scarification) pouvaient être encouragées mais que la diabolisation de l’Internet n’était pas efficace. Il a estimé que les attaques sur les écrans se substituaient au véritable problème de fond qu’est la nouvelle parentalité.

Audition de M. Pierre BELLANGER,
PDG de Skyrock

(26 juin 2008)

M. Pierre Bellanger a tout d’abord rappelé que Skyrock est la 1re radio chez les 13-24 ans et compte 4 millions d’auditeurs.
Il a ensuite estimé qu’elle jouait un rôle social important pour ses auditeurs, notamment parce qu’elle est à l’image des jeunes et porte avec fierté les valeurs républicaines.
Il a cité à cet égard l’émission « Radio Libre », animée par Difool, qui constitue selon lui un lieu de dialogue sur la sexualité, émancipateur pour les jeunes. Il a insisté à cet égard sur la mixité de son audience ainsi que sur le soutien actif de psychologues et pédopsychiatres.
Il a en outre évoqué le tournant Rap et RnB qu’avait pris la radio depuis 1995, se déclarant convaincu que cela avait contribué au développement de nouvelles cultures musicales en France.
Il a enfin mis en relief le rôle du site Internet www.tasanté.com, de Skyrock, 1er site Internet santé pour les adolescents en France, qui vise à faire prendre conscience aux jeunes de leurs responsabilités vis-à-vis de leurs comportements. Son objectif est contenu dans la devise du site : « ta santé t’appartient ».
Il a conclu son intervention en se félicitant de la compréhension à la fois des élus et de la société, mais en regrettant les « obsessions sexuelles effarantes » du Conseil supérieur de l’audiovisuel.
A la question de David Assouline sur l’existence d’un filtre dans l’émission de Difool, M. Pierre Bellanger a répondu que si l’intérêt de l’émission résidait dans sa déconstruction et sa logique horizontale, dans laquelle l’important est le témoignage des uns et des autres et non le discours d’un référent, le travail de modération et de maîtrise d’antenne de l’animateur permettait d’éviter les débordements. Il a ajouté que l’émission avait pour vertu de rompre l’isolement de certains adolescents.
Un débat s’est ensuite engagé sur le fonctionnement de la plate-forme Skyblog.
M. Pierre Bellanger a souligné que Skyblog n’avait pas d’objectif éditorial, et qu’il s’agissait en fait d’un réseau social, qui s’avère être le « 1er réseau social mondial d’expression francophone », où naviguent 60 % des adolescents français, et dont l’audience augmente de 3 à 4 % tous les mois. Toutefois, il a reconnu que pour préserver la liberté d’expression, des règles de vie en communauté devaient être respectées, notamment les lois en vigueur. Pour ce faire, il a indiqué que 30 personnes travaillaient sur une modération permanente des 1,2 million d’articles publiés par jour grâce à un repérage automatique de 117 mots-clés. Les photographies sont toutes visualisées et les photos violentes ou pornographiques sont écartées. En outre, le système « cybercop » permet à tout visiteur de cliquer sur chaque page pour prévenir de l’existence d’un contenu qui lui paraît inadéquat. 300 personnes par jour l’utilisent. Des relations étroites ont également été nouées avec les pouvoirs publics, notamment la brigade des mineurs.
Audition de Mme Nadine MORANO,
Secrétaire d’êtat auprès du ministre du travail, des relations sociales,
de la famille et de la solidarité,
chargée de la famille

(3 juillet 2008)

Mme Nadine Morano a souligné que son premier déplacement de ministre a été consacré à la division de la Gendarmerie qui lutte contre la pédopornographie sur Internet, tant ce sujet lui tient à cêur.
Notant que, même à la messe, il faut demander aux gens d’éteindre leur portable, elle a déploré l’absence d’éducation aux nouvelles technologies de l’information et de la communication.
Elle a souligné que l’enjeu était d’autant plus important que l’impact des médias est particulièrement fort dans les familles les plus démunies, dans lesquelles les enfants passent beaucoup de temps devant la télévision, plus de 1.200 heures par an, ce qui entraîne des problèmes de fatigue et de concentration. Elle a estimé, à cet égard, que des actions de prévention comme les « 10 jours sans écran » étaient d’excellentes initiatives.
S’agissant des risques de la navigation sur Internet, elle a préconisé la constitution d’un code de l’Internet organisant la protection de l’enfance.
Elle a rappelé, à cet égard, qu’elle avait soutenu le développement des logiciels de contrôle parental dont les performances sont régulièrement évaluées. Les logiciels permettent de mettre en place plusieurs rails pour une même voie, puisque des listes blanches, pour les enfants, limitent leur navigation sur des sites prédéfinis (environ 5.000) et des listes noires, pour les adolescents, bloquent certains sites qui diffusent des contenus choquants. Sur la question de la pornographie, elle s’est inquiétée des modifications de la sexualité des adolescents dues à la violence des images visionnées.
Aujourd’hui, Numéricable est le fournisseur d’accès le plus efficace en matière de protection des jeunes puisque son logiciel de contrôle parental assure un taux de blocage des sites pornographiques de 98%. Le problème réside aujourd’hui surtout dans le fait que ce sont les parents qui doivent l’activer.
C’est la raison pour laquelle Mme Nadine Morano a diffusé une plaquette d’explication en 3,5 millions d’exemplaires sur ce sujet, demandé aux « hotlines » que les explications sur l’activation du contrôle parental soient fournies gratuitement, et recommandé que des informations soient délivrées directement dans les grandes surfaces.
A la question de M. David Assouline sur les modalités de constitution de la liste noire bloquant les sites pédopornographiques, Mme Nadine Morano a répondu qu’elle devait être élaborée sous l’autorité de l’êtat, comme au Royaume-Uni et en Norvège, lesquels pays diffusent en outre leur liste à Interpol.
Elle a à cet égard annoncé que le prochain projet de loi d’orientation pour la sécurité intérieure, déposé à l’automne, contiendrait un certain nombre de dispositions relatives au blocage de ces sites.
Elle a enfin indiqué qu’elle avait mis en place un groupe technique travaillant sur la redéfinition des responsabilités des fournisseurs d’accès à Internet, des éditeurs et des hébergeurs.

Audition de Mme Monique VêZINET,
du syndicat des éditeurs de jeunesse et
de M. Pierre DUCOS, président du groupe Jeunesse
du syndicat national de l’édition

3 juillet 2008

M. Pierre Ducos a souligné le bouleversement du paysage de l’édition avec le brouillage de la séparation entre le papier et l’Internet. Qu’il s’agisse des textes ou de l’illustration, le sentiment de protection des éditeurs de référence est remis en cause. Estimant que l’un des nouveaux rôles du livre pouvait être d’apprendre aux utilisateurs des nouveaux médias à d’y repérer, il a considéré que cette mission n’était pas encore remplie. Sur la question du rapprochement du papier et du numérique, il a mis en avant des initiatives de création de « sites compagnons » à certains livres qui offrent des possibilités pédagogiques nouvelles.
Pour autant, M. Pierre Ducos s’est félicité que le temps passé à lire augmente, que ce soit sur un livre ou sur un écran. Pour que le contenu édité continue à être lu, l’évolution du support sera très probablement nécessaire.
Mme Monique Vézinet a souligné, d’une part, que la presse jeunesse se porte très bien, et, d’autre part, que les manuels numériques constituent une source importante de développement. La problématique du poids du cartable a en effet relancé la problématique des nouveaux usages et l’éducation nationale expérimente la numérisation de certains manuels.

Audition de MM. Frédéric ELEUCHE du Syndicat national des lycées et collèges (SNALC-CSEN) et Rémi CANDELIER du Syndicat national des écoles (SNE-CSEN) – Confédération syndicale de l’éducation nationale

(3 juillet 2008)

M. Rémi Candelier a noté que les usages médiatiques des enfants se modifient avec une plus grande utilisation d’Internet et la focalisation sur un nombre réduit de chaînes du fait de l’apparition des chaînes spécialisées du câble. Il a considéré que le problème posé par ces médias était l’absence de recul critique des enfants et leur passivité devant les écrans, qu’il s’agisse de la télévision ou d’Internet. Il a illustré son propos en soulignant l’utilisation massive des copiés/collés pour les devoirs qui ne permettent pas aux enfants d’en tirer un enseignement intéressant. Il a par conséquent conclut à un retard significatif dans l’éducation aux médias.
M. Fréderic Eleuche a partagé ce constat et insisté sur le fait que l’éducation avait pour but de permettre aux élèves « d’apprendre, de savoir et de savoir critiquer ».
Il a ensuite regretté que, s’agissant de l’éducation aux médias, les établissements ne soient souvent pas suffisamment équipés en ordinateurs, le matériel de l’éducation nationale étant en outre souvent moins performant que celui des familles. Su la question des copiés/collés, il s’est réjoui de la récente conception en France d’un logiciel permettant de les détecter.
Il a enfin remarqué que l’usage massif des médias a des conséquences sur la santé des élèves, de plus en plus fatigués, certains devant même abandonner leurs activités sportives du fait de tendinites provoquées par les souris et autres joysticks.
M. Frédéric Eleuche a ensuite exprimé les convictions suivantes :
- le CLEMI doit être renforcé, grâce dans un premier temps à une meilleure application du décret fixant son rôle et, dans un second temps, à un élargissement de ses missions ;
- il faut appuyer davantage sur le volet « information » des centres de documentation et d’information. Alors que le CAPES de documentation a renforcé les compétences requises pour exercer cette fonction, les missions n’ont pas forcément évolué. Il a donc recommandé qu’un rôle plus important leur soit donné ;
- la formation des professeurs aux B2i et C2i est de plus en plus efficace ;
- il serait intéressant d’utiliser l’éducation civique pour montrer aux élèves qu’il y a « des choses qui ne se font pas ». L’importance des devoirs et responsabilités des jeunes doit être soulignée, notamment vis-à-vis de leur usage médiatique. Il a estimé à cet égard que l’influence d’émissions de radio sur Skyrock ou Fun radio était pernicieuse pour les plus jeunes, qui peuvent avoir tendance à considérer que les propos tenus par certains de leurs pairs constituent la normalité ;
- enfin, à une question de David Assouline, sur l’éducation aux médias, il a estimé qu’elle devait être l’affaire de l’ensemble des professeurs et qu’elle passait par « un décloisonnement des mondes ».

Audition de M. Xavier DARCOS,
Ministre de l’éducation nationale

(10 juillet 2008)

M. Xavier Darcos a souhaité aborder la question des nouvelles technologies à l’école sous trois aspects : la formation citoyenne des jeunes, le rôle qu’elles peuvent jouer dans l’apprentissage et les règles éthiques qui doivent encadrer leur utilisation dans le cadre scolaire.
S’agissant de la formation, il a rappelé que l’éducation aux médias était inscrite dans le socle commun de connaissances et de compétences, que l’étude des médias était prévue dans les programmes de collège et de lycée, notamment ceux d’éducation civique, juridique et sociale.
Il a ensuite souligné l’intérêt des nouvelles technologies pour renforcer l’autonomie des élèves au lycée et expliqué la politique volontariste du ministère en matière de mise à disposition d’espaces numériques de travail. Il a aussi valorisé l’apport du site Educnet, site officiel dédié aux nouvelles technologies de l’enseignement, qui permet de valoriser l’utilisation pédagogique des nouveaux médias.
Le ministre a en outre insisté sur les aspects éthiques de l’utilisation Internet en rappelant qu’un code de bonne conduite et des chartes de bon usage ont été diffusés dans les établissements. Des systèmes de listes blanches et noires sont aussi utilisés. Par ailleurs la société Calysto fait des formations dans les écoles et collèges pour promouvoir un usage responsable d’Internet.
Enfin, M. Xavier Darcos s’est félicité de la montée en puissance du B2i, dorénavant obligatoire pour le brevet des collèges, et a précisé que quelques items du B2I font directement référence à l’éducation aux médias.
A la suite d’une interrogation de David Assouline sur le rôle des documentalistes, il a estimé qu’ils ont une fonction d’encadrement importante mais que c’est aux professeurs de se saisir des nouvelles technologies, afin que l’école soit davantage en accompagnement qu’en réaction. S’il a reconnu la difficulté pour « l’entreprise de main d’êuvre » que constitue l’Education nationale (1,2 million de salariés) d’évoluer au rythme imposé par les nouvelles technologies et la mondialisation, il a finalement estimé que de nombreux efforts ont été faits tant en matière d’équipements que de pédagogie.