Dans l’école de Jules Ferry, les élèves suivaient un enseignement littéraire qui correspondait à la place du livre dans la société de la fin du XIXe siècle. Plus d’un siècle après, alors que la radio, puis la télévision et enfin Internet sont venus concurrencer, puis dépasser le livre et les journaux comme sources privilégiées d’information et de communication, l’enseignement est resté fondé sur l’analyse de texte et l’interprétation littéraire. Sage inspiration ou une inertie dangereuse ?

Sans idéologie mais parce que les études démontrent que l’école est de moins en moins une référence centrale pour les élèves, il me semble qu’il faut alerter l’êducation nationale sur l’urgence de la situation. Comme l’ont souligné deux professeurs américains, « chaque mois, 2,7 milliards de recherche sont lancées sur google ? Or, à qui posait-on ces questions avant google ? »

Je ne dis pas que l’éducation nationale est restée les bras ballants depuis trente ans. Il existe en effet un centre d’éducation aux médias : le CLEMI, qui a engagé de nombreuses actions en faveur de l’éducation aux médias et de l’utilisation des nouvelles technologies dans l’enseignement.
Le 17 avril, j’ai rencontré Mme France Renucci, présidente du CLEMI et Mme Evelyne Bevort, directrice. Elles ont beaucoup insisté sur la formation des professeurs à l’éducation aux médias, dispensée par le CLEMI. En outre, et c’est à mon avis une une bonne chose, l’éducation aux médias fait partie du socle commun de connaissances et de compétences que doit maîtriser tout élève à la fin de la 3ème. C’est aussi l’un des axes du B2i.

Mais, on ne sait pas si les professeurs font vraiment de l’éducation aux médias. Aucun chiffre, aucune donnée n’existe sur la question. Le rapport de l’Inspection générale de l’éducation nationale censé faire l’état de lieux de cet enseignement ne cite ainsi aucun élément chiffré. Et tout cela ne résout pas notre question principale : comment faire pour que les élèves puissent développer une analyse critique de l’image et de l’information diffusée sur Internet ?

Il faut d’abord se débarrasser de l’idée que l’éducation aux médias est la même chose que d’apprendre à se servir des nouvelles technologies. Eduquer aux nouveaux médias, c’est apprendre aux enfants à prendre une distance critique par rapport aux informations diffusées sur le média qui leur est le plus familier : Internet. Et à mon avis cela n’est possible qu’en partant de leur utilisation et de la confiance spontanée qu’ils accordent aux sites Internet. Il faut s’appuyer sur leur culture numérique. L’utilisation de blogs par les professeurs donne une bonne idée de ce que peut être une utilisation pédagogique et intelligente d’Internet (voir l’article sur “l’informatique à la maternelle“, dans le numéro 368, avril 2008, du Monde de l’éducation).

Mais, pour aller plus loin, que faut-il concrètement mettre en place :

- un cours spécifique dédié à l’éducation aux médias ?
- un peu d’éducation aux médias distillée dans chaque matière, sous la forme d’un quota d’heures ?
- une obligation d’utiliser les nouveaux médias comme support des cours d’éducation civique ?

Autant de questions sur lesquelles je n’ai pas de religion. Vos interventions me permettront, je l’espère, de faire avancer mon analyse.