L esquive

Je viens de regarder une émission remarquable : “Banlieues, peut-on encore espérer ?” sur La Chaîne Parlementaire, à la suite de la diffusion du film « L’esquive ».

Le journaliste Christophe Ruaults et ses invités reviennent sur les réflexions, voire les interrogations, soulevées par le film, avec Stéphane Gatignon, maire Europe-Écologie de Sevran, Didier Lapeyronnie, sociologue, Sihem Habchi, présidente de “Ni Putes Ni Soumises“. Une émission passionnante qui pose les questions clairement, avec beaucoup de franchise.

Mais ne nous leurrons pas : les financements plus justes entre les villes, le désenclavement par des transports, l’accès à un logement décent : c’est indispensable. Il faut permettre aux gens de vivre dignement, normalement, bien sûr. Comme le dit le Maire de Sevran, cela ne suffit pas, car il reste un fossé social, une ségrégation réelle.

Et pourtant, nous dit Mme Sihem Habchi, c’est là qu’il y a le plus envie de France, le plus envie d’être Français.

Ces quartiers s’enfoncent dans les difficultés, dit le sociologue Didier Lapeyronnie. Des constats pertinents, et l’opposition à la mixité, elle, est réelle. La question de “l’intégration du cosmopolitisme“, citée par le Maire de Sevran, est un débat qu’il faut engager. Notre modèle d’intégration, sans reconnaissance des communautés, les empêche -paradoxalement- d’être représentées indique M. Lapeyronnie.

Mon avis ?

Il y a bien sûr toutes les difficultés citées par les intervenants de l’émission. Elles sont nombreuses et de grande ampleur.

Il faut poursuivre, amplifier les processus d’égalité démarrés en France par les plans de rénovation urbaine. Mais il y a aussi des forces à l’oeuvre qui font que “la pauvreté va à la pauvreté“, et que seule une volonté politique très forte, concertée, dans la durée, permettra de dessiner un autre avenir, de transmettre des valeurs Républicaine à la jeunesse qui grandit dans les quartiers fragiles.

Il y a aussi la question de l’emploi, qui est lancinante. Cet accès si difficile à l’emploi rend l’échelle des valeurs, notamment par l’éducation et le mérite, fragile, remise en cause par un modèle de reconnaissance et d’accès à l’argent facile offerts par les réseaux et les trafics.

Et il nous faut mieux écouter et faire participer les “sans culottes“, superbement représentés par Sihem Hebchi, qui croient en la République. C’est un principe démocratique.

Les “banlieues” sont un enjeu central, car une grande partie de notre jeunesse grandit dans les quartiers fragiles de nos villes. Et une société développée définit sa dignité par la place qu’elle donne à ceux qui sont les plus fragiles. Et l’accès aux valeurs républicaines d’égalité et de fraternité.